Le musée Kéramis à La Louvière vu de France

Visite | Keramis et les cinq mousquetaires (23-09-2015) publié par le Courrier de l’Architecte

Un bâtiment en peau de girafe. La proposition est étonnante d’autant plus qu’elle revêt le musée de la céramique de La Louvière. Sans doute faut-il y voir une allusion aux craquelures du faïençage… Plus que par son extérieur, Keramis vaut pour son intérieur aussi brut que précieux. Conçu par cinq architectes (Coton_de Visscher_Lelion_Nottebaert_Vincentelli) réunis pour cette seule occasion, l’équipement est aussi bien un lieu d’exposition qu’une déambulation.

«Nous disposions d’une petite parcelle sur laquelle existaient trois fours-bouteilles, les derniers du continent. Il y avait aussi plusieurs entrepôts. Nous voulions exposer une expérience physique. Aussi, nous ne pouvions pas donner dans l’artifice», débute Michel de Visscher.

Pour ce faire, les architectes ont prôné un travail sur la matérialité. «Nous ne voulions pas d’une architecture qui triche», poursuit-il. L’exercice était, au-delà, de concevoir une construction «enrubannée» qui «sillonne et effleure le bâtiment existant».

Depuis le vaste hall de béton, les fours sont à peine perceptibles. La surprise est allègrement ménagée. Le visiteur pénètre alors par une petite ouverture et découvre enfin la masse d’imposants silos en brique. La monumentalité est ainsi contenue à l’intérieure et la discrétion du parti adopté – notamment à l’extérieur – la magnifie d’avantage.

02(@MNBoutin).jpgCe n’est qu’à partir de ce point central que les espaces d’expositions sont accessibles. Le premier mêle collections et quelques réserves mises en vitrine. Poursuivant son chemin et allant selon une classique chronologie, le curieux découvre une succession de volumes disparates.

Comme mis sous cloche, l’ancien bâtiment s’offre à travers un patio vitré donnant un peu de lumière aux circulations. Un jeu de rampes et d’escaliers conduit à l’étage. Le ruban sans cesse guide et jamais ne perd le visiteur dans un plan qui aurait pu paraître alambiqué.  «L’architecture accompagne le mouvement», précise Michel de Visscher.

04(@MNBoutin)_B.jpgDe cet idéal ressort alors une grande fluidité du parcours dont la matérialité unique contribue à la lisibilité. De fait, en tout point, le béton est laissé brut. «Nous voulions travailler par contraste et valoriser ainsi la brique. Il nous paraissait également intéressant de composer un univers de béton pour des œuvres faites de terre. Nous nous sommes inscrits, par analogie, dans un processus de construction», explique Anne-Sophie Mottebaert.

A la polyphonie des voix ressort un discours unique. Keramis est aussi une expérience originale ; la réunion de cinq architectes et ce, sans qu’ils n’aient «l’ambition de créer un jour un bureau commun», précise la jeune femme.

«Cette association relevait d’une forme souple de travail. Nous avions également associé à l’origine ingénieurs, graphiste et scénographe», poursuit-elle. S’il y avait une «véritable envie de se réunir», il restait toutefois un maigre problème logistique à régler. Le projet s’est alors monté «chez les uns, chez les autres» et «au fil de réunions hebdomadaires».

03(@MNBoutin)_B.jpgDe la fusion des références et de la rencontre des générations est ainsi né un édifice hybride, sans signature, loin des icônes grandiloquentes qu’appellent en général un programme muséal. Car, derrière cette peau de girafe, par delà ce camouflage, se cache cinq hommes et femme de l’art. Et ce, toute humilité.

Jean-Philippe Hugron

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