Nouvelle politique de la ville : enjeux architecturaux

Table ronde organisée par l’ Université de Mons et la Direction générale des Infrastructures – Cellule architecture ce jeudi 7 septembre 2016 à La Louviere .

Participants :

– Paul Furlan , ministre ayant la politique de la ville dans ses attributions
– Jacques Gobert, bourgmestre de La Louviere et président de l’Union  des Villes et Communes
– Chantal Dassonville, cellule architecture de la Fédération Wallonie -Bruxelles
– Georges Maillis , bouwmeester de Charleroi
– les architectes Arlette Baumans, Étienne Holoffe, Marc Mawet, Anne-Sophie Nottebaert
– Joachim du collectif « Les jeunes donnent de la voix » de Tournai.

Le thème de la réunion était particulièrement ambitieux :
« Comment placer l’architecture au cœur du débat politique pour construire la ville de demain ? Comment tirer parti de l’architecture du XX-XXIème siècle et poursuivre la sensibilisation du grand public à l’architecture sur le plan local et favoriser l’appropriation de ce patrimoine ?  »

Dans un premier temps, la table ronde animée par Benoit MORITZ (MSA_ULB) adonné la parole aux principaux intervenants .

Paul Furlan nous a fait part de sa conviction que la qualité architecturale était une composante importante de la politique de la ville mais doit bien constater un manque d’audace dans la production architecturale de la ville qui se résume souvent à briques rouges et toits à 2 versants.
Il a insisté également sur la nécessité de décloisonner les outils existants au travers du plan de développement urbain (PDU) . Il a pour objectif que celui-ci devienne l’objet d’une contractualisation entre les villes et la région wallonne . Celle-ci garantissant des ressources financières aux communes sur base d’une planification. Mais cette vue est loin d’être partagée par tous les membres du gouvernement Wallon.

Jacques Gobert s’il reconnait l’importance d’avoir un interlocuteur unique pour définir une politique de la ville volontariste et d’avoir un cadre stratégique, ne voudrait pas que celui-ci soit un carcan administratif et urbanistique. Il n’y aura pas de politique de la ville si des moyens nouveaux ne lui sont pas attribués…

Ensuite les architectes invités ont présenté sur base d’une photo (?) un projet pour illustrer à la fois leur vision de l’architecture et ce en quoi elle contribue à une meilleure qualité de la ville.

L’architecte Arlette Baumans a présenté un projet que son bureau a étudié pour le site du Val Benoit à Liège. Comment le projet se conçoit ? Il est le résultat de l’ emboîtement de différentes approches imaginées à des échelles différentes : le master plan étant l’outil de synthèse permettant entr’autre la reconnaissance administrative pour la recherche de subsides. Le site en question était un ancien campus créé par les ingénieurs civils dans les années 30 . Ceux-ci sont partis du site il y a quelques années. L’objet du concours était de « muter cette zone pour y fabriquer de l’urbanité » . La mixité est le maître mot pour atteindre cette urbanité : mixité dans les fonctions : habitat, enseignement, artisanats , commerces … mixité aussi dans son caractère réversible, mixité enfin dans son architecture mêlant constructions nouvelles et reconversion de bâtiments existants intéressants.  Le traitement du « paysage urbain » a retenu aussi toute leur attention.

Etienne Holoffe a montré à travers l’exemple d’un aménagement de parking souterrain à Ath que l’on pouvait aller au-delà du programme proposé en discutant avec le maître d’oeuvre. Ici l’aménagement en surface a été l’occasion d’y créer des surfaces sportives réclamées par des acteurs locaux. Le site de la sucrerie à Frasnes a été aménagé en tant que relais pour le développement d’un nouveau site de services : l’objectif étant de se propulser vers des énergies positives.

Marc Mawet est revenu sur le projet caserne à Mons. Pour lui, l’architecture existe dans sa capacité à créer de la ville et à créer des relations entre la sphère privée et l’espace public et de faire aboutir un projet dans le cadre d’un partenariat public/privé. Il a insisté sur le fait que l’espace public est le moteur de toute intervention d’envergure.  Ils ont travaillé en étroite collaboration avec l’auteur du projet de l’espace public et ils ont plus travaillé pour la mise en forme du « vide » que du « plein ».

Et enfin, Sophie Nottebaert a expliqué son intervention pour le musée Kéramis à La Louvière. Lors de démarrage du concours, il ne subsistait plus que les « fours bouteilles » minuscule point sur le site qui avait été vidé de son occupation par les usines Boch. Sa première volonté a été de prendre un maximum d’envergure en protégeant les 3 fours bouteilles mais en s’apprêtant aussi à recevoir les projets futurs. Actuellement, le bâtiment « navigue » dans le « vide » mais est prêt à s’intégrer à la ville qui doit se construire autour .

Une intervention d’un autre type fut celle de Joachim du collectif « les jeunes donnent de la voix » de Tournai.
Le constat de départ était un sentiment d’impuissance à pouvoir influer sur la politique  de la cité … par exemple, toujours les mêmes personnes ( et très très peu de jeunes )  aux enquêtes publiques trop souvent organisées quand tout est bouclé et qu’on veut faire passer un projet .
Comment alors mobiliser ? Ils ont eu l’idée d’utiliser les réseaux sociaux et ont réalisé de sondages sur Facebook sur l’emploi, la sécurité … qui ont donné lieu à plus de 10 000 votes de jeunes. Riche de cette mobilisation, ils ont organisé des rencontres avec les politiques , les animateurs sociaux et culturels  afin de réaliser eux-mêmes des projets rencontrant leurs aspirations.. Ainsi après avoir constaté que l’aménagement de la rue se bornait à des aspects sécuritaires,  ils ont voulu aménager celle-ci en faisant appel à des artistes pour créer un mobilier urbain rencontrant leurs aspirations. Ils ont pu mesurer les résistances à de tels projets mais avec l’aide du Logis Tournaisien ils ont réaliser certains aménagements.
Ils ont aussi obtenu 500 000 € de subsides pour l’aménagement d’une piste de skateboard en remplacement de celle qui avait été détruite. Joachim insiste que ceci s’est fait en étroite collaboration avec le club de skateboard  évitant ainsi de créer une structure obsolète avant d’être utilisée … ( ouverture prévue en 2017 ).

Pour terminer les présentations, Georges Maillis , bouwmeester de Charleroi s’est voulu résolument optimiste.
L’architecture n’est qu’une facette de l’aménagement de la ville , c’est pourquoi il s’est entouré d’une équipe pluridisciplinaire regroupant artistes, sociologues, architectes, paysagistes …
Dans un premier temps, ils se sont attachés sur des interventions à court terme, les « carolos n’ayant plus le temps d’attendre ».
D’abord, il fallait restaurer l’image de la ville en créant une identité graphique ( sur base d’un concours) et coordonner toute la communication en s’appuyant sur cette nouvelle identité graphique.
La situation était telle à Charleroi que les habitants pour « vivre l’urbanité » se rendaient dans d’autres villes voisines !
Il fallait donc revaloriser les évènements existants ou en créer d’autres suffisamment attractifs.
Depuis 2 ans, grâce à cette politique,  les carolos reviennent dans leur ville.
Dans un 2e temps, la Ville a lancé des projets sur base d’un projet de territoire (en remplacement des 15 existants !) . C’est une feuille de route qui va organiser le territoire en utilisant les forces et faiblesses de la ville.

Lors de la discussion, on a souligné que le pouvoir publique avait presque toujours des volontés « normatives » et « réglementaires ».
Paul Furlan a reconnu qu’il fallait « dénormer » tout en gardant un outil stratégique , le PDU … mais il est loin d’être certain d’y arriver.
Marc Mawet insiste de créer une nouvelle dynamique d’appuyant sur le dialogue entre les partenaires.
Quant à Anne-Sophie Nottebaert, elle ne voit pas clairement comment à travers le PDU on garanti la qualité architecturale et urbanistique. Le bouwmeester est-il une solution?
La notion de qualité reste subjective pour Paul Furlan : la qualité des auteurs de projet peut aussi être mise en cause surtout quand ils sont désignés sur le seul critère du prix. Il faudrait pouvoir y introduire des notions rencontrant la qualité architecturale . ( C’est un peu le principe de l’appel d’offre qui n’est plus guère utilisé par craintes de recours ).
Chantal Dassonville imagine que l’ on peut objectiver les choix et qu’il faudrait créer des incitants « à faire bien ».
La désignation d’un jury peut aider à cette objectivation dans la mesure où une méthodologie leur est proposée . Il faut aussi convaincre le privé de participer à la construction de la ville au-delà de leur projet.
Joachim : le changement inquiète … il faut revoir le fonctionnement des enquêtes publiques  qui viennent souvent trop tard … elles peuvent avoir un rôle créatif mais doivent être animées par des « professionnels » .
Georges Maillis :  les pouvoirs publics ne sont pas là pour former mais pour créer l’enthousiasme, montrer une direction et mettre en confiance, savoir aussi quelle question on va poser …
Paul Furlan : à Thuin, malgré toutes les structures participatives mises en place 3 % de la population est concernée … les réseaux sociaux peuvent éventuellement être une alternative  à cette situation.
Etienne Holoffe : comment aller à la rencontre des investisseurs privés sans norme mais en assurant la cohésion finale du projet ?
Paul Furlan : rappelle que le PDU n’est pas normatif mais directif : il encadre les projets permettant le développement de la ville ce qui peut rassurer les investisseurs éventuels.

Quelques autres interventions  :
DH , architecte à Liège : chaque architecte travaille sur un morceau de ville plus ou moins important : c’est donc en amont qu’il faut la réflexion globale associant le politique, l’administration et la population.
Marc Mawet : il faut faire appel ( et confiance ) à l’intelligence : le processus de création doit permettre de sortir des règles .
Enthousiasme + intelligence : la norme ne conduit que à la docilité et non à la qualité.
Le président de la CCATM de Tournai : pour trouver des solutions au devenir du pont des Trous, la CCATM a créé un groupe de travail qui a été mené par 3 animateurs « professionnels » qui ont fait en sorte que les gens puissent s’exprimer et que l’on puisse arriver à une solution.
Une collaboratrice du ministre Furlan revient sur l’expérience de Seraing où un master plan a été mis au point sur une dynamique participative  qui en fait sa force même s’il n’est pas opposable aux tiers puisque non réglementaire.

Pour conclure la réunion, Chantal Dassonville pointe quelques réflexions :
– le projet de ville = un projet d’enthousiasme
– décloisonner les administrations et mélanger les disciplines
– être attentif au traitement du vide avant le plein pour créer un espace partagé
– il n’existe pas de programme « pauvre » tout mérite attention ( Le diable est dans les détails )
– définir une politique de processus et de dialogue

Alain Cordier

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