Mais qui pousse au BIM ?

Repris du site « L’abeille et l’architecte »

Mais ne vous inquiétez pas cela se passe en France !
Voir sur le site https://labeilleetlarchitecte.wordpress.com les réactions bien intéressantes à cet article .

Colloques sur le BIM, salon du BIM, prix du BIM d’Or, débats sur le BIM, présentations des éditeurs de logiciel de leur BIM, tout le monde essaye de nous vendre le BIM, soi-disant révolution numérique dans le monde de la construction. Il y a quelques mois, j’expliquais à travers une série de tweets, ma vision du BIM et je publiais un article d’Olivier Dufau sur un sujet connexe. A force d’avancer et de réfléchir sur le sujet, j’en suis arrivé à la conclusion que contrairement à ce que beaucoup veulent nous faire croire, le BIM n’est pas qu’un outil informatique neutre au service de l’architecture…, mais bel et bien un outil idéologique néo-libéral et managérial uniformisant. Pour cela, il suffit de regarder qui le soutient, le défend et le promeut.

Qui sont les promoteurs du BIM ? Le CTSB, l’Ordre des architectes, les grosse agences d’architecture, les éditeurs de logiciels et le meilleur pour la fin : l’EGF · BTP, le syndicat National des entreprises générales françaises de bâtiment et de travaux publics. Ce passage en force du BIM (l’obligation de BIM dans certains marchés publics ne fait que commencer) n’est pas le fruit d’un hasard. Même, s’il ne faut pas y voir un complot, l’outil BIM permet surtout de ne rien changer pour que chacun garde bien ses positions dominantes. C’est ce que Nicolas Colin, fondateur de l’incubateur The Family, appelle un « levier de domination du BIG business as usual« . Chacun des acteurs du BIM cités ci-dessus est solidement ancré dans la construction et surtout ne veut pas qu’un Amazon ou Über arrive sur le marché. En verrouillant au maximum les méthodes de production, en les encadrant par loi (le ministère du logement est aussi ici un acteur important), les possibilités de disruption numérique s’éloignent peu à peu de la construction.

Les arguments fallacieux utilisés par ces promoteurs sont nombreux : pour les uns, économie et gestion de chantier, pour les autres reprise en main de l’architecte sur le projet, on pouffe encore quand on lit la prose de l’EGF-BTP sur l’usage du BIM pour la construction de la Philharmonie de Paris « Le BIM a été utilisé pour répondre à la complexité de l’ouvrage imaginé par l’architecte pour mettre en cohérence les enveloppes architecturales avec les faisabilités des structures et respecter les délais d’exécution. » Triplement du budget, chantier retardé de plusieurs années et ouvert au public alors qu’il n’était pas totalement livré, procès avec l’architecte Jean Nouvel, non vraiment le BIM, c’est super. Le BIM, c’est le cheval de Troie du marché public global. Si l’on arrive faire la synthèse de conception autant aller jusqu’au bout de la logique et pousser jusqu’à la construction. Ainsi, l’homme de synthèse ne sera plus l’architecte, mais le BIM manager du marché global (PPP, conception-construction…) payé – au détriment de l’architecte – par le mandataire du marché, généralement un des trois leaders du marché. Exit l’architecte, bienvenue le Directeur Artistique Architecte, prestataire de service.

Le BIM n’est pas qu’un outil, c’est une idéologie de formatage de l’architecture et des architectes au nom de la rentabilité, du profit des entreprises de BTP et du désengagement de l’État. À l’instar des PPP qui étaient promus par les mêmes organismes (EGF-BTP), ce qui apparaît comme une avancée n’est en fait que la volonté délibérée d’imposer un modèle et ainsi trier les insiders et les outsiders. La France a autant besoin de grandes agences à vocation internationale que de petites agences proches du tissu local français, l’un n’allant pas sans l’autre (j’y reviendrai dans un prochain article). Comme le rappelait Xavier Sterlin dans sa tribune dans l’AMC : « Que chacun choisisse sa méthode, en fonction de ses besoins et de ses moyens, et arrêtons de vouloir imposer cette uniformisation sans discernement. » Il faut que le BIM reste à sa place, c’est-à-dire un outil de dessin et non une idéologie.

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