Le Code wallon du territoire s’offre un second service

 Le Soir 06/11/2015

CoDT, le retour ! La nouvelle version insiste sur les délais pour les permis

ERIC DEFFET
Le nouveau code avait été approuvé juste avant les élections de 2014.   La majorité PS-CDH a gelé le texte et l’a remis sur le métier.   Le voici de retour   au parlement,   après toilettage.

Il y a au moins unanimité sur un point : la Wallonie a un besoin urgent de règles claires et modernes en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme. C’est une condition nécessaire à son développement. Millésimé 1983, l’antique code (Cwatupe) s’est transformé en usine à gaz ingérable, après de multiples amendements. Il y a plus de cinq ans, la volonté de la majorité PS-CDH-Ecolo d’accoucher d’un texte neuf, réorganisé de bout en bout, plus lisible et donc plus pratique, avait été saluée de toutes parts. Résultat : aucun ! D’incroyables péripéties ont conduit au gel de l’entrée en vigueur des nouvelles règles (lire les rétroactes ci-dessous).
Investisseurs, entreprises, administrations ou simples particuliers devront encore patienter. Si tout va bien (mais on reste prudent), le Code wallon de développement territorial (CoDT) ne devrait pas faire connaître ses effets avant la fin de l’année 2016. Il restera alors à approuver deux autres documents : le schéma de développement du territoire (2017), véritable vision stratégique dont le Code décline les principes, et le guide de l’urbanisme (2018) pour les exercices pratiques sur le terrain.
Délais de rigueur
La semaine dernière, le CoDT a effectué un retour remarqué devant le parlement wallon, dans sa version remaniée. Mais pour un simple tour d’échauffement : Carlo Di Antonio (CDH), le ministre en charge désormais de l’Aménagement du territoire, a brossé les grandes lignes de son projet en commission du parlement. Les réunions vont se succéder au cours des prochaines semaines. Et les critiques de l’opposition MR et Ecolo aussi.
Un code déjà réformé avant son entrée en vigueur, c’est peu banal. Tout n’est pas à jeter dans le texte adopté en avril 2014, en pleine campagne électorale, même le nouveau ministre l’a reconnu au parlement. La double ambition de répondre au défi démographique qui s’impose à la Wallonie (quatre millions d’habitants en 2035) mais aussi de lutter contre l’étalement urbain reste prioritaire. Au même titre que la nécessité de favoriser le redressement économique et les investissements porteurs d’emplois.
Deux modifications peuvent être mises en exergue. Tout d’abord, le ministre insiste beaucoup sur les délais de rigueur (voir ci-contre). Rien de pire pour une entreprise ou un candidat bâtisseur de ne pas savoir quand il obtiendra une réponse à sa demande. Le CoDT version Henry fixait la règle : une réaction de l’administration dans un délai donné. Le CoDT version Di Antonio balise et clarifie le dispositif au profit du porteur de projet, avec notamment un accusé de réception du dossier dans les vingt jours de l’envoi.
Ensuite, le code corrigé comble un vide en créant la notion de schéma de développement pluricommunal pour favoriser les synergies entre communes sur des projets immobiliers ou économiques. C’est tout sauf le fruit du hasard : la Wallonie pousse les pouvoirs locaux à multiplier les projets communs dans un souci d’efficacité et d’économie d’échelle. Le CoDT apporte l’indispensable réponse réglementaire à cette ambition.
A noter que dans la foulée des discussions sur ce CoDT-bis, le parlement wallon devra aussi évoquer deux propositions de décret satellites. Un texte du MR veut obtenir la dématérialisation des dossiers de demande de permis, dans un souci de simplification et de rapidité. Une autre proposition émanant du CDH plaide pour une amnistie pour les petites infractions urbanistiques commises avant 1998.

Rétroactes

CoDT, la saga  à rebondissements

É.D.

Mai 1984.

La Wallonie se dote de son Code de l’aménagement du territoire (Cwatu), qui deviendra Cwatup (pour patrimoine) et même Cwatupe (pour énergie). Ce texte remplace la loi belge de 1962. Il a été modifié à de multiples reprises, mais reste d’application en attendant l’adoption du CoDT.

Janvier 2014.

Le gouvernement PS-CDH-Ecolo adopte définitivement le projet de Code de développement territorial (CoDT) concocté par le ministre Philippe Henry (Ecolo).

Avril 2014.

Après 250 heures de débats, le parlement wallon approuve le CoDT, à quelques jours des élections régionales. Il reviendra à l’exécutif suivant de prendre les arrêtés d’exécution de cette vaste réforme.

Juillet 2014.

PS et CDH s’unissent pour cinq ans. La déclaration de politique régionale s’engage : « Le gouvernement s’attellera en priorité à adopter les arrêtés d’exécution du CoDT et en assurer la mise en œuvre dans des conditions optimales. A cette fin, l’entrée en vigueur du CoDT sera fixée au 1 er juillet 2015. »

Janvier 2015.

Le ministre Carlo Di Antonio (CDH) engage cependant une réforme de la réforme. Les textes sont jugés imparfaits, juridiquement imparfaits. Une consultation des acteurs de terrain s’engage.

Mai 2015.

Le gouvernement décide d’un report sine die du CoDT.

Cas pratiques

1. Je construis  dans un lotissement

É.D.

Un lotissement, un projet qui ne s’écarte pas des prescriptions et on croise les doigts pour obtenir un feu vert rapidement. Le Cwatupe fixe aujourd’hui un délai de 30 jours pour la réponse. Sauf que ce délai débute après l’accusé de réception et que celui-ci a tendance à s’éterniser, sans compter que les retards pour le permis sont nombreux, 45 jours en moyenne, parfois 70 ou 80 jours dans les pires des cas.
Dans le CoDT, des délais de rigueur sont fixés. D’abord, 20 jours, pas un de plus, pour l’accusé de réception qui enclenche la procédure. Au-delà, la décision doit tomber obligatoirement dans les 30 jours, sans avis préalable du fonctionnaire délégué de la Région wallonne, ce qui accélère le cheminement du dossier.

2. Je construis  en zone d’habitat

E.D.

Une maison familiale à construire, mais dans une zone d’habitat, en centre-ville par exemple. Les démarches sont plus complexes car il faut obtenir l’avis préalable du fonctionnaire délégué de la Région wallonne. Le délai fixé par l’actuel Cwatupe est de 75 jours. Mais c’est de la théorie : le retard moyen pour un dossier de ce genre flirte en réalité avec les 57 jours en Wallonie. Le délai réel évolue donc entre trois et quatre mois.
Le CoDT actuellement en débat impose un accusé de réception dans les 20 jours après le dépôt du dossier puis une décision garantie dans les 75 jours qui suivent. En l’absence de décision du collège communal, l’avis préalable du fonctionnaire délégué vaut décision.