« Le Soir » du 21 janvier 2013
» L’ambassadrice du goût français est décédée à l’âge de 87 ans. Décoratrice de nombreux hôtels et du Concorde, Andrée Putman a aussi dessiné des objets du quotidien. Sa signature : le mythique damier noir et blanc.
Racée, stylée, cette grande dame terriblement stricte et hautaine pour certains s’est éteinte samedi, dans le sixième arrondissement parisien, à l’âge de 87 ans. Pas une mèche folle sinon celle qui lui barrait le front ne dérangeait le fort caractère de l’intransigeante Andrée Putman. La devise de la designer et architecte d’intérieur ? Intemporalité et sobriété.
Elle était parmi les plus grands architectes d’intérieur et a signé de son style épuré et élégant des hôtels, restaurants et boutiques mais aussi des bureaux de ministre et des objets de tous les jours. Le style Putman est reconnaissable entre tous : une ligne à part entière, autour du noir et blanc. Elle se plaisait à mêler les époques, les matériaux, avec deux éléments essentiels : la lumière et l’espace. Noir, blanc, beige, gris, parfois un bleu Klein, sa palette était d’une extrême sobriété.
Révolutionnaire et inventive, cette Parisienne de la haute bourgeoisie était aussi la créatrice rebelle qui a introduit du piment dans les objets quotidiens, dans ce souci de l’inaccessible étoile qu’est la perfection : le bec d’une cafetière qui empêche la goutte de tomber, un escalier conçu comme un collier, un écrin pour une marque de champagne…
Andrée Putman, c’était une tête bien faite sous un héritage lourd à porter. Née en 1925 dans une famille de notables lyonnais, elle a toujours entretenu un rapport d’amour-haine avec ses origines. Sa grand-mère n’est autre que la créatrice du prix Femina. Ajoutez un père normalien, une mère fantasque et concertiste virtuose, huit heures de piano par jour, des étés chez les carmélites à l’abbaye de Fontenay, en Bourgogne, c’est lourd. Fin des années 50, elle épouse l’éditeur et critique d’art Jacques Putman.
Au milieu des années 60, Denise Fayolle l’engage pour lancer « le style Prisu », Prisunic. Elle qui déteste le « luxe pompeux, une chose polluante qui me fait horreur », propose de la vaisselle blanche, des meubles en plastique et des lithos à 100 francs français signées César, Alechinsky ou Arman.
Une femme insolite
En 1971, elle aménage un concept store rue de Rennes où elle met en lumière les créateurs Thierry Mugler, Issey Miyake, Castelbajac. Sa carrière est lancée. Cette femme insolite s’est d’abord fait connaître à New York avec sa rénovation de l’hôtel Morgans sur Madison Avenue, aux salles de bains à damier noir et blanc. Son aménagement avait frappé les esprits par sa modernité et son minimalisme. Dans la lignée de Pierre Paulin, elle répond à Jack Lang, ministre de la Culture, qui lui confie en 1982 la réalisation de son bureau, première d’une série de commandes officielles. Elle devient une des marques du luxe et de l’élégance à la française.
Sa fille Olivia avait pris les rênes du Studio Putman en 2007 et réalisé des aménagements d’intérieur, notamment en Belgique. »
Dominique Legrand
pour en savoir plus : www.andreeputman.com/