A lire sur le site : courrier de l’architecte ( voir lien ci-joint)
Visite | A Luxembourg, pouvoir démonter AREP (12-12-2012)
Ici Luxembourg… Après quelques heures de train, les journalistes, impatients, découvrent une gare disparate, réhabilitée par à-coups. Dernier élément apporté aux circonvolutions néo-baroques – et non des moindres : une imposante couverture contemporaine livrée en septembre 2012, signée AREP.
Visite de presse. Une gare et un grand absent, Jean-Marie Duthilleul. Le co-fondateur d’AREP continue pourtant à veiller sur les projets qu’il conçoit en partenariat avec AREP, depuis l’Agence Duthilleul qu’il a fondée en janvier 2012. A Luxembourg, le changement, c’est maintenant ! Ou presque… La facture, au premier regard, demeure la même.
Dans le hall principal, Etienne Tricaud, président du groupe AREP, prévient : «il s’agissait pour nous de mettre en cohérence un ensemble. Cet espace a triple vocation : l’augmentation de la surface des lieux d’attente, la couverture des accès souterrains et la création d’un parvis».
Il y a à Luxembourg un peu de l’architecture de Strasbourg, du moins une confrontation similaire. «Des analogies», reconnait-il, «mais un projet différent». Un brin décevant, peut-être, pour qui connaît la gare alsacienne.
Trois dessins avaient été successivement envisagés. L’ultime, le moins audacieux, a, in fine, été réalisé. Les premières esquisses, «plus généreuses, mais sans doute d’une échelle moins ajustée», envisageaient la création d’une extension plus importante en verre.
«La culture du consensus à la luxembourgeoise», confie l’architecte. Exit donc la verrière. AREP propose en conséquence une couverture en ETFE. «Le verre aurait été possible mais les représentants des monuments historiques ont affirmé qu’un tel matériau donnait un aspect trop pérenne à l’extension», indique Etienne Tricaud.
Et pour cause, il s’agissait d’appliquer, plus ou moins à la lettre, la Charte de Venise. «S’il y a des adjonctions sur un espace historique, il s’agit d’offrir la possibilité de les démonter ; et les éléments de bâti qui font référence sont ceux du dernier état complet», explique-t-il.
De fait, l’extension se devait d’être «réversible» et «démontable». «Une gestion de l’éphémère intéressante, bien que somme toute un peu théorique», selon l’architecte, «mais en tout cas une contrainte assumée et fructueuse».
Bref, de la légèreté. Du téflon. Restait alors la question du dispositif : en toile ou en coussin ? «Nous voulions une surface peu bavarde. Les coussins auraient donné une volumétrie trop en rupture avec le vocabulaire de formes du bâtiment d’origine». Une identité trop herzogetdemeuronesque ? Vraisemblablement. De quoi éviter l’écueil d’une citation.
En toile donc. Et sérigraphiée, «pour adoucir la lumière mais aussi pour éviter, la nuit, la présence peu rassurante d’une voûte noire», explique Etienne Tricaud.
La structure est jugée selon son concepteur «complexe». L’observation de sa morphologie révèle l’intention originale : «continuer l’assemblage des volumes, s’aligner sur l’altimétrie des rives de toiture et prolonger le jeu subtil des modénatures existantes».
«Nous nous inscrivons dans une musique que nous poursuivons, nous faisons écho aux rythmes de l’édifice tout en adoptant une écriture contemporaine», affirme Etienne Tricaud. Et l’architecte d’évoquer avec enthousiasme le style néo-baroque «mosellant» de la gare de Luxembourg, voire le «romantisme» des premiers ouvriers.
Conçue entre 1907 et 1913 par le trio allemand Rüdell, Jüsgen et Scheuffel, la gare présente une toiture remarquable dont les losanges en ardoise ne sont pas étrangers à la structure imaginée par AREP. «Nous ne connaissons pas toujours a priori les implications technologiques d’un dessin. Ici, nous avons dû réaliser la modélisation 3D complète», assure l’ingénieur qui a développé le projet.
Au défi de la légèreté, celui de la souplesse. A la courbure de suivre la composition «libre et réglée» de l’édifice ancien et «d’assurer une transition douce entre l’échelle piétonne du parvis et celle de la gare».
En arrière plan, les façades anciennes en pierre des Vosges. «Un fond de décor pour les nouveaux espaces», note Etienne Tricaud. Profondeur toute contemporaine.
A chaque question, sa réponse. Un parti architectural raisonné, justifié et assumé. Il n’en aurait pu être autrement. Une logique imparable et désarmante. AREP.
Jean-Philippe Hugron