Dans « Le Soir » du 28 et 29 avril 2012, un article sur cet architecte « à la mode » mais peut être apporte-t-il un peu d’air frais …
extraits de l’article :
« Je vois l’architecture comme l’art de mieux organiser la vie et de mieux habiter cette planète. Je suis en permanence à la recherche d’une nouvelle musique pour enrichir la perception des choses. Créer ce n’est rien d’autre que de pouvoir répondre à des situations inattendues »
» La ville, c’est l’art du collectif. il ne suffit pas de construire de belles maisons ou de beaux buildings pour que cela fonctionne. Il faut avoir l’objectif de rendre la vie plus agréable. L’esthétique doit répondre à un projet collectif mais sans exclure l’utopie, le développement durable. »
Extrait d’un article de Télérama du 19/06/2010
Bjarke Ingels, “l’archimiste”
Le “Grand Huit”, par Bjarke Ingels, c’est cinq cents logements, des boutiques, une salle des fêtes, une crèche, un cinéma, des bureaux…
Casque de chantier sur la tête, un homme grimpe la seule rue en pente de Copenhague. C’est une rue un peu particulière : elle fait partie d’un immeuble. Un immense bâtiment résidentiel en forme de huit, avec deux vastes cours intérieures. Appelons-le « le Grand Huit ». La rue, ou la rampe, serpente sur les toits, jusqu’au dixième étage. Elle permet d’accéder à des habitations individuelles précédées d’un mini-jardin. Dans ce paquebot de béton aux cinq cents logements, on pourra faire ses courses, réserver une salle pour y organiser une fête, déposer ses enfants à la crèche, aller au cinéma, se rendre à son bureau… Ou, simplement, regarder les vaches qui broutent au loin, dans le pré, au-delà du plan d’eau bordant le Grand Huit.
L’homme marchant dans la rue qui monte, c’est l’architecte. Bjarke Ingels, star en son pays et bientôt ailleurs. En le rencontrant pour la première fois, dans la baraque de chantier voisine, on a eu un instant d’hésitation : est-ce bien lui qui a créé tout ça, ce très jeune type réservé, en jean et baskets ? Bjarke Ingels salue au passage quelques ouvriers qui s’activent, ouvre la porte d’une maison-appartement baignée de lumière, explique posément son projet. « L’idée vient d’un quartier de Copenhague qu’on appelle les « Rangées de pommes de terre ». Les maisons y sont collées les unes contre les autres. Les enfants peuvent jouer dans l’allée et rendre facilement visite à leurs amis d’à côté. » Il assure que son Grand Huit proposera «autant de diversité urbaine qu’une ville méditerranéenne traditionnelle ».
Il rit quand on avance que tout cela, la complexité du plan, les grandes baies vitrées, l’aspect luxueux des façades habillées de métal, doit coûter cher. « Au contraire, c’est très économique ! Du point de vue tridimensionnel, c’est un tour de force, mais la construction est tout à fait rationnelle. Quant au revêtement d’aluminium, c’est la solution la moins chère ! » Et l’écologie ? Outre l’isolation soigneuse des façades, tout est dans le dessin et l’orientation. Le Grand Huit se creuse ici, se soulève là, pour faire entrer le soleil dans les cours. Les logements sont au sud-est, et les bureaux, qui ont moins besoin de lumière, au nord-est. La visite reprend : Bjarke Ingels descend un escalier extérieur par où l’on accède à d’autres « maisons », tente de sortir par une porte provisoire récalcitrante, fait demi-tour, remonte. Il s’assoit sur une marche et parle de l’urbanisme « en doigts de gant » de Copenhague, explique qu’Ørestad, le nouveau quartier où s’édifie le Grand Huit, se situe à peu près dans le pouce…
plus grand nombre de points de
rencontre. La vie sociale sera partout.”
Ingels et son équipe ont conçu un fantastique immeuble-ville, comme on n’en avait pas imaginé depuis… depuis la tour de Babel, peut-être, telle qu’elle apparaît dans le tableau de Bruegel, avec sa rampe en spirale. Sur une planète de plus en plus urbanisée, la ville est un des grands enjeux du siècle. Architectes, urbanistes, sociologues, élus l’affirment : il serait bon de réinventer la vie citadine, avec un urbanisme plus travaillé, qui permette le mélange des populations et des activités, de l’individuel et du collectif. Tous le répètent, Bjarke Ingels l’a fait. « Nous avons essayé de créer le plus grand nombre de points de rencontre. La vie sociale sera partout, pas seulement au rez-de-chaussée. Quand il fera beau, les gens sortiront dans leur jardin, diront bonjour à leurs voisins… » Parions que son Grand Huit fera date. Quand il sera terminé, d’ici quelques mois, les amateurs d’architecture, les spécialistes de la ville viendront du monde entier pour l’étudier. Y habiter sera-t-il paradisiaque ou infernal ? Comment vieillira-t-il ? Pourrait-on reproduire cela dans un pays comme la France ? Nul doute que Bjarke Ingels observera lui aussi les résultats de l’expérience. Il va avoir le temps de beaucoup construire et de marquer son époque : il n’a que 35 ans. Il est presque un gamin dans une profession où l’on perce tard, et où, souvent, l’on se bonifie en vieillissant.
voir http://www.telerama.fr/monde/bjarke-ingels-l-archimiste,57148.php